Depuis quelques années, le Matcha, cette fine poudre verte issue de feuilles de thé broyées, connaît une ascension fulgurante. Il suffit d’un coup d’œil sur les réseaux sociaux pour comprendre pourquoi : sa couleur éclatante, ses bienfaits pour la santé, sa promesse d’énergie douce et durable séduisent la clientèle. Chez Camellia Sinensis, on observe ce phénomène de très près, et on en ressent aussi les répercussions.
Lors d’un entretien avec le journaliste Janic Tremblay de Radio-Canada, Hugo Américi a partagé les défis croissants de l’industrie face à cette demande sans précédent. Le journaliste a été accueilli à l’entrepôt de la maison de thé, où Hugo lui a offert une dégustation traditionnelle de Matcha tout en exposant les dessous d’un marché en tension.
Pourquoi le Matcha est-il si populaire aujourd’hui?
« Le Matcha occupe aujourd’hui 7 des 10 premières places de nos meilleures ventes, confie Hugo. »
Le Matcha a gagné en visibilité notamment grâce aux réseaux sociaux, qui mettent en avant son esthétisme vibrant. Consommé notamment pour ses effets sur la concentration et l’énergie, il attire particulièrement les 15-25 ans. Cette popularité s’est traduite par une croissance soutenue depuis 5 à 6 ans — une croissance qui atteint aujourd’hui un point critique : la demande dépasse largement l’offre mondiale. Une pénurie qui prend racine au Japon, pays producteur de Matcha de qualité, et qui touche toute la chaîne d’approvisionnement jusqu’au Canada.
Le « Matcha gate » et la patience des amateurs
Avec les retards d’approvisionnement et l’incapacité à répondre à la demande, Camellia Sinensis, comme bien d’autres, doit faire preuve de pédagogie auprès de sa clientèle. « C’est devenu un défi quotidien, admet Hugo. Il faut expliquer la situation, trouver des solutions, gérer les attentes. Beaucoup d’énergie et de patience y passent. »
Les cafés et restaurants qui utilisent du Matcha dans leurs boissons sont généralement compréhensifs, mais le phénomène soulève tout de même de la frustration. D’autant plus qu’une hausse de prix (potentiellement de 50 % dans l’année à venir) pourrait redistribuer les cartes.
Face à cet emballement du marché, une question s’impose : l’industrie pourra-t-elle s’adapter? Pour Hugo Américi, la réponse est nuancée. Si la croissance exponentielle des dernières années semble se stabiliser, l’industrie du Matcha devra réajuster ses capacités de production, tout en préservant la qualité artisanale qui fait la réputation de cette poudre ancestrale.

Une production lente… et délicate
Le Matcha demande une transformation spécifique. Plusieurs semaines avant la récolte, les théiers sont protégés par des toiles pour créer de l’ombre : ceci stimule la production de chlorophylle et donne au Matcha son goût caractéristique. Viennent ensuite la récolte manuelle, le séchage méticuleux, puis la mouture à la meule de pierre — une étape qui rend la transformation particulièrement exigeante, le processus étant très lent : il faut plus d’une heure pour obtenir seulement 40 g de Matcha!
« Ce processus est long, et ne peut être précipité sans affecter la qualité. Aller trop vite, c’est risquer de brûler la feuille », explique Hugo. Transformer un jardin de Sencha en jardin à Matcha demande de lourds investissements, du savoir-faire, et surtout du temps.
Ce savoir-faire artisanal se heurte d’ailleurs à une autre réalité : une pénurie de main-d’œuvre locale. Au Japon, les jeunes générations sont de moins en moins nombreuses à vouloir reprendre les jardins familiaux. Beaucoup préfèrent s’installer en ville et chercher un emploi dans d’autres secteurs. Au début des années 2000, on comptait environ 53 000 producteurs de matcha ; ils n’étaient plus que 13 000 aux alentours de 2020.
À l’heure où l’engouement pour le Matcha ne montre aucun signe d’essoufflement, producteurs et importateurs doivent composer avec ces limites. Chez Camellia Sinensis, nous travaillons tous les jours à améliorer la situation. L’heure est à la transparence, à l’éducation des consommateurs… et à la patience.